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 Contrefaçon à l'étranger d'une marque étrangère (partie II)

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AuteurMessage
alexandre quiquerez
Chroniqueur



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Contrefaçon à l'étranger d'une marque étrangère (partie II) Empty
MessageSujet: Contrefaçon à l'étranger d'une marque étrangère (partie II)   Contrefaçon à l'étranger d'une marque étrangère (partie II) Icon_minitimeLun 26 Mar - 19:23



II – Le règlement des conflits de juridictions et de lois

En l'absence de jurisprudence ayant statué sur notre question, il faut se référer aux textes et aux opinions doctrinales.

Le Professeur Jérôme Passa considère que "le principe de territorialité des droits nationaux de propriété intellectuelle, et de marque en particulier, s'oppose radicalement selon nous au constat de l'existence dans un Etat -la France, par exemple,- d'un dommage résultant d'un acte de contrefaçon-fait générateur- commis dans un autre Etat par l'atteinte portée à un droit y est en vigueur. En effet, en l'absence d'acte commis sur le territoire français, aucun acte de contrefaçon d'un droit de propriété intellectuelle français n'est constitué selon la loi française. Il ne peut dès lors exister dans ce cas de dommage en France puisque celui-ci ne peut résulter que d'un acte de contrefaçon selon la loi française, nécessairement accompli en France" (J. Passa, Propriété Industrielle, LGDJ, n°429).
En présence d'éléments d'extranéité tels que la localisation étrangère du dépôt et des faits de contrefaçon, il convient de recourir au raisonnement conflictuel et de distinguer plusieurs hypothèses :

• Une marque française a été contrefaite en France : il n'y a dans ce cas aucune raison d'appliquer une loi autre que la loi française ;
• Une marque française a été contrefaite à l'étranger : le principe de territorialité empêche de retenir la contrefaçon, sauf si la marque a également fait l'objet d'un dépôt international, communautaire, ou encore si elle est notoire.
• Une marque étrangère a été contrefaite en France : le principe de territorialité empêche de retenir la contrefaçon ;
• Une marque étrangère a été contrefaite à l'étranger : ici rien n'empêche le juge de trancher le litige, si besoin par application d'une loi autre que la sienne.
C'est donc cette dernière hypothèse qui va ici attirer notre attention : le juge français est saisi d'un litige concernant une marque uniquement déposée dans un pays tiers où la contrefaçon a été réalisée, à supposer que le demandeur trouve un intérêt personnel à saisir la juridiction française (autre que de détourner frauduleusement la compétence naturelle d'un juge étranger).

Il faut alors se poser les questions traditionnelles suivantes :
• Quelles sont les règles de compétence applicables ?
• Le juge national est-il bien compétent ?
• Dans l'affirmative, quelle est la loi applicable ?

Il convient de distinguer les cas où le juge civil ou pénal est saisi, les délits en droit de marque étant aussi bien civils (articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle) que pénaux (articles L. 716-9 et suivants du Code de la propriété intellectuelle).

A. Les règles civiles de conflit de juridictions et de lois

1) La question de la compétence juridictionnelle

a) Règles spéciales en matière de propriété industrielle

En matière d'inscription ou de validité des titres de propriété industrielle, le Règlement communautaire "Bruxelles I" du 22 décembre 2000 prévoit en son article 22 §4 une règle de compétence exclusive au profit des juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel ou pour lequel le dépôt du titre en cause a été effectué :

" Sont seuls compétents, sans considération de domicile:
[…]
En matière d'inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à un enregistrement, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l'enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué aux termes d'un instrument communautaire ou d'une convention internationale".

Mais cette disposition ne concerne que le contentieux de la délivrance, de la validité et de la déchéance des droits, et non le contentieux de la titularité et de la contrefaçon.
La CJCE a ainsi jugé (15 nov. 1983, Duijinstee, 288/82) que "la notion de litige en matière d'inscription ou de validité des brevets ne recouvre pas un différend entre un employé, auteur d'une invention pour laquelle un brevet a été demandé ou obtenu, et son employeur lorsque le litige porte sur leurs droits respectifs sur ce brevet découlant de leur relation de travail". Un tel litige ne relève donc pas de la compétence exclusive de l'Etat où le brevet a été obtenu ou demandé.
Récemment, la CJCE a même considéré (13 juillet 2006 C-4/03, GAT, Europe 2006, comm. 299) que "la compétence exclusive que prévoit cette disposition doit trouver à s'appliquer quel que soit le cadre procédural dans lequel la question de la validité d'un brevet [ou de tout autre droit de propriété industrielle] est soulevée, que ce soit par voie d'action ou par voie d'exception, lors de l'introduction de l'instance ou à un stade plus avancé de celle-ci".
La CJCE a justifié cette solution par l'idée que "permettre au juge qui est saisi d’une action en contrefaçon ou en déclaration de non-contrefaçon de constater, à titre incident, la nullité du brevet en cause porterait atteinte à la nature contraignante de la règle de compétence prévue à l’article 16, point 4, de la convention".
Il en ressort que, dans le cadre du Règlement communautaire "Bruxelles I" du 22 décembre 2000, le juge saisi d'une action en contrefaçon à l'occasion de laquelle une question de validité, de l'existence ou de déchéance du titre se pose, doit se dessaisir de la totalité de l'affaire au profit du juge de l'Etat ayant accordé le titre en cause ou seulement surseoir à statuer et renvoyer à ce juge.

Par exemple, si le juge français est saisi d'une contrefaçon de marque espagnole réalisée en Espagne et que le défendeur argue de la nullité du titre et soulève l'incompétence du juge français, ce dernier doit se désaisir au profit du juge espagnol.
En revanche, il est fort peu probable que la solution retenue par la CJCE encourage la compétence du juge français pour les contrefaçons de marques étrangères commises à l'étranger, la question de la validité d'un titre français ne se posant pas.

b) Règles de droit commun

Les textes de droit commun applicables en matière de contrefaçon de marques sont les suivants :
• Règlement communautaire du 22 décembre 2000 sur la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, (le "Règlement") applicable en matière civile et commerciale (article 1), dès lors que le défendeur est domiciliée sur le territoire d'un État membre (article 2) ;
• Les articles 42 et 46 du Nouveau Code de procédure civile.

Ces textes comportent des règles de conflit de juridictions identiques :
• Principe de compétence du lieu du domicile du défendeur (art. 2 du Règlement; art. 42 du NCPC).
• Règle de compétence spéciale en matière de responsabilité civile : juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi (art. 5.3 du Règlement, tel qu'interprété par la CJCE 30 nov. 1976 Mines de Potasse; art. 46 al.3 du NCPC). Conformément à la jurisprudence Fiona Shevill, le juge du pays du lieu du dommage pourra allouer des réparations pour le seul dommage subi dans cet Etat, alors que la juridiction du domicile du défendeur sera compétente pour statuer sur l'ensemble du préjudice (CJCE, 7 mars 1995, aff. C-68/93).

Ainsi, un demandeur agissant au civil pour contrefaçon de marque peut valablement saisir le juge soit du lieu où la contrefaçon a été réalisé, soit où le dommage a été subi.

Le dommage considéré peut être aussi bien matériel que moral (Paris, 6 novembre 2002; D 2003 somm. 1538, obs. Caron : atteinte aux droits de la personnalité "en tous lieux où les informations et images litigieuses ont été mises à la disposition des éventuels utilisateurs du site").

En revanche, le lieu où le dommage a été subi ne saurait être assimilé au lieu où les conséquences financières du fait dommageable ont été subi (CJCE 19 septembre 1995 Marinari, CJCE 10 juin 2004 Krohofer, Cour de cassation 28 février 1990, Com. CA Toulouse 29 avril 1996; Jurisdata n°1996-056467). En juger autrement reviendrait à offrir systématiquement au demandeur la possibilité de saisir la juridiction de son siège, par dérogation au caractère de principe de la loi du lieu du domicile du défendeur.


Dès lors, le juge français n'est compétent que pour connaître des contrefaçons commises en France, ou dont le dommage a été subi en France.
Il en résulte que le juge français n'est compétent pour connaître des contrefaçons commises à l'étranger que si le défendeur a son domicile en France.

2) La question de la loi applicable

La loi applicable aux délits est la lex loci delicti (Civ. 1, 1er juin 1976, Luccantoni, D. 77.257).

Un arrêt de la Première chambre civile du 14 janvier 1997 a retenu que "la loi applicable à la responsabilité extra-contractuelle est celle du lieu où le fait dommageable s'est produit" et "que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier" (Civ. 1, 14 janvier 1997, Rev. crit., DIP 1997, p.504, note J.-M. Bishoff).

Ainsi, le juge peut être amené à appliquer :
- soit la loi du lieu où la contrefaçon a été commise ;
- soit la loi du lieu où le dommage a été subi, notamment le lieu du siège social de la partie demanderesse. En effet, rien ne justifierait que ce lieu ne puisse être celui où les conséquences financières sont ressenties, contrairement à la solution qui prévaut en matière de conflit de juridictions.

Par exemple, le juge français est saisi d'un litige concernant des actes de contrefaçon en Espagne d'une marque espagnole. Le juge français se déclarera compétent si le défendeur a son domicile ou son siège social en France, et pourra appliquer soit la loi du lieu de son siège social, soit la loi espagnole au titre du lieu de la contrefaçon.

B. Les règles pénales de conflit

Dans la mesure où l'article 689 du Code de procédure pénale dispose que les auteurs ou complices d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque la loi française est applicable, seule la question de la loi applicable doit être examinée.

1) Contrefaçon commise à l'étranger par un Français

L'article 113-6 du Code de procédure pénale dispose que :
"La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République. Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.
Il est fait application du présent article lors même que le prévenu aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé".

Ainsi, bien que l'infraction ait été commise en pays étranger, à partir du moment qu'elle l'a été par un Français, les juridictions répressives françaises sont compétences pour en connaître à la condition générale que ce français n'ait pas été jugé définitivement à l'étranger (art. 113-9 CPP).

2) Contrefaçon commise à l'étranger par une société étrangère

S'agissant de faits commis à l'étranger par une société étrangère, le seul texte permettant de fonder la compétence du juge pénal français est l'article 113-7 du Code pénal.
Cet article dispose que "la loi pénale est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction".
Cet article est applicable aux personnes morales (CA, 18 juin 2001, Jurisdata n°2001-158355).
Les délits de contrefaçon de marque étant tous punis d'une peine d'emprisonnement, il en résulte que le juge pénal français devrait retenir sa compétence.
Le recours à l'article 113-7 du Code pénal est conditionné par une requête au Ministère Public, laquelle doit être précédée d'une plainte de la victime (article 113-8 du Code pénal). Une citation directe serait irrecevable.
Une fois l'action publique déclenchée, la victime peut se constituer partie civile par voie d'intervention (CA, 18 juin 2001 précité).

Ainsi, le juge pénal sera compétent et appliquera le droit français pour :
- les actes de contrefaçon de marque commis par un Français à l'étranger ;
- les actes de contrefaçon commis par un étranger à l'étranger lorsque la victime est Française.

Concernant le fond du droit, il convient de tenir compte du principe de territorialité.
A cet égard, si le juge pénal applique le droit français, il ne pourra que dénier le bien-fondé de l'action, puisque le droit français des marques a uniquement pour objet de sanctionner les atteintes au droit des marques réalisées en France.
Il en résulte que le juge pénal français ne pourrait accueillir favorablement une action en contrefaçon de marques qui s'est réalisée à l'étranger.

Pour conclure, le juge français est compétent pour sanctionner la contrefaçon d'une marque étrangère réalisée à l'étranger si le défendeur a son domicile en France, ou s'il est saisi également d'une question de validité du titre dans le cadre du Règlement communautaire "Bruxelles I", ce qui apparaît toutefois comme improbable s'il s'agit d'apprécier la contrefaçon d'une marque étrangère.
Pour que la contrefaçon réalisée à l'étranger soit sanctionnée, le demandeur pourra invoquer la loi étrangère au titre du lieu où l'acte de contrefaçon a été réalisé ou du lieu où le préjudice a été subi.
Le juge pénal français est quant à lui incompétent pour connaître d'un tel litige.




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