I. PROPOS GENERAUX ET DEFINITION DES TERMES DU SUJET1. La singularité de l’énergie et des produites énergétiques au regard du droit communautaireEn effet, malgrés leur importance et leur spécificité, les traités ne sont jamais véritablement parvenus à leur reconnaître une place. Cette spécificité résulte de nombreux traits :
Sur le plan économique tout d’abord, il s’agit de produits stratégiques ce que la crise de 1973 a cruellement mis en lumière, d’autant plus que la Communauté dépend pour une bonne part de l’extérieur pour son approvisionnement régulier en produits énergétiques.
Ensuite sur le plan juridique, et que ce soit au plan de la production ou de la distribution, l’énergie a été et reste souvent organisée sous forme de monopoles publics ou de sociétés nationales. De plus, les produits énergétiques font l’objet d’une fiscalité particulière, se traduisant e droit indirect très élevé.
L’énergie ne bénéficie donc pas d’un statut spécial en droit communautaire : le Traité de Maastricht marque cependant un léger pas en avant, puisque l’article 3 du Traité CE envisage in fine, un point t parmi les domaines d’action de la Communauté : « les mesures dans le domaine de l’énergie, de la protection civile et du tourisme ».
Cependant, aucune mesure concrète ne sera donnée à cette avancée textuelle.
Le marché intérieur de l’énergie peut être scindé en deux : l’électricité et la gaz, la présente étude se focalisera uniquement sur la régulation (1) du marché de l’électricité (2), deux termes qu’il convient de définir préalablement.
2. DéfinitionsQuid du marché intérieur de l’électricité ? Au regard du droit communautaire, le marché de l’électricité implique une distinction entre le service de transport et celui de la gestion de l’électricité. Les entreprises chargées de la gestion ont en outre pour obligation de garantir le transport de l’électricité sur une base non discriminatoire.
Le marché intérieur de l’électricité repose donc sur l’idée de service public, les dernières directives insistant sur les obligations à la charge des opérateurs, d’assurer la sécurité des approvisionnements et la qualité de l’environnement. Les clients privés et même les petites entreprises ont à ce titre, le droit de bénéficier d’un service universel, consistant notamment à garantir le raccordement au réseau à des tarifs raisonnable.
Cependant ce service public est soumis sous l’impulsion de la Commission, à une régulation.
Quid de la régulation ? La notion de régulation peut se définir comme l’action de régler un phénomène, l’action d’en maîtriser dans le temps l’importance quantitative, en soumettant son développement à des normes.
En l’espèce, l’objet de la régulation du secteur de l’électricité au sein de l’Union Européenne consiste dans la volonté de créer un marché unique de l’électricité dans les 25 Etats membres conditionné par deux facteurs : (1) la concurrence équitable entre les différentes opérateurs économiques et (2) la réduction des risques de domination du marché par l’opérateur national historique.
Cette volonté s’est donc traduite par l’élaboration de directives communautaires qui ont dû être transposées dans les droits internes.
II. FONDEMENTS JURIDIQUES ET EVOLUTION DES TEXTES1. Orientation généraleLe projet de grand marché intérieur de l’énergie s’est dessiné au travers d’un document de travail de la Commission en date du 6 mai 1988.
L’inspiration libérale et dérèglementaire prédominent et l’attention se focalise sur les deux secteurs de l’électricité et du gaz dans lesquels les monopoles publics demeurent importants. L’essentiel sera alors d’ouvrir ces secteurs à la concurrence tout en préservant un minimum de contrôle public.
L’article 86 consacré aux services d’intérêt économique général, va ainsi devenir source de querelle. La Commission comme la Cour de justice vont se trouver au centre de cet enjeu, et la Cour après s’être montrée très réservée à l’égard des monopoles publics, parviendra à un certain équilibre au travers des célèbres arrêts Corbeau (Aff. C-320/91 du 19 mai 1993) et Commune d’Almeno (Aff. C-393/92 du 27 avril 1993).
Dans ces arrêts, la Cour considère que les entreprises publics ne sont pas soumises aux règles de la concurrence lorsque : (1) l’entreprise est chargée de la gestion d’un Service d’Intérêt Economique Général ou présente le caractère d’un monopole fiscal ; (2) l’application des règles de la concurrence fait échec à l’accomplissement de la mission particulière confiée à l’entreprise par l’Etat.
La Commission apprécie in concreto si l’entreprise répond à ces conditions (dans l’arrêt Corbeau, le monopole postal est considéré comme un SIEG).
De son côté, le constituant communautaire a entendu revaloriser le rôle des services publics au travers de l’article 16, nouveau du Traité de Rome introduit par le Traité d’Amsterdam. Quels sont les textes spécifiques à ces sources d’énergie ?
2. Les textes d’origines, les Directives de 1996 et 1998Plusieurs Directives ont été élaboré par le Parlement et le Conseil en vue de la création et de la régulation du marché intérieur de l’électricité : tout d’abord, les Directives du 19 décembre 1996 et du 22 juin 1998 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.
Elles ont été transposées en droit français par les lois du 10 février 2000 relatives à « la modernisation et au développement du service public de l’électricité », et du 3 janvier 2003 relative aux « marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie ».
Ces Directives constituent le paquet énergie, organisant l’ouverture du marché de l’énergie au niveau communautaire en prévoyant : (1) pour les consommateur, le libre choix du fournisseur, (2) pour les producteurs la liberté d’établissement, (3) pour les réseaux de distribution et de transport, le droit d’accès dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires pour tous les utilisateurs.
A ce titre, un certain nombre d’institution a été crée à la suite de la loi de 2000 : le Réseau de Transport d’Electricité (RTE) crée en raison de l’obligation pour EDF, de séparer les fonctions de productions d’électricité d’une part, de celle de transport d’autre part, de manière à garantir un accès équitable à tous les concurrents d’EDF souhaitant vendre de l’énergie électrique à des clients français.
Une deuxième institution a été crée le 24 mars 2000, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), une autorité administrative indépendante chargée de veiller au bon fonctionnement du marché de l’énergie électrique mais aussi du gaz, et d’arbitrer les différends entre les utilisateurs et les divers exploitant.
Les lois de 2000 et de 2003 ont pour finir, arrêté le calendrier d’ouverture à la concurrence du marché des clients dits éligibles c'est-à-dire ceux ayant le droit de choisir librement leur fournisseur d’énergie électrique, sur la base des seuils de consommation suivants :
Dès 1999, sont éligibles les clients consommant plus de 100 GWh/an (généralement les grands sites industriels) ; en 2000 : le seuil d'éligibilité est abaissé à 16 GWh/an ; en 2003 : le seuil d'éligibilité est fixé à 7 GWh/an.
3. Les Directives de 2003La même année, une nouvelle Directive européenne en date du 26 juin 2003, abrogeant celle de 1996, a établi un calendrier d'ouverture totale à la concurrence du marché de la production et de la fourniture d'électricité. Deviennent ainsi « éligibles » :
A compter du 1er juillet 2004 : tous les autres consommateurs « professionnels » d'électricité pour leurs besoins propres, et ce indépendamment de leurs seuils de consommation.
Sont concernés les PME, les professions libérales, les artisans, les commerçants et les collectivités locales. 70 % du marché français est ainsi ouvert à la concurrence ;
A compter du 1er juillet 2007 : tous les consommateurs « domestiques » (ménages). Le marché de la fourniture d'électricité sera, alors, totalement ouvert à la concurrence.
Les deux nouvelles directives de 2003 (2003/54/CE et 2003/55/CE) ont été transposées en droit français par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004.
Cette loi modifie également le statut d'EDF et de GDF afin de leur permettre de faire face à la nouvelle donne du marché européen de l'énergie (ces deux établissements publics industriels et commerciaux devenant des sociétés anonymes dont le capital demeure toutefois majoritairement détenu par l'Etat).
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