Le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants
Même si au terme de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’article 3 est porteur d’une gradation qui permet de distinguer en terme de gravité la torture des traitements « simplement » inhumains ou dégradants, leur condamnation par le droit international doit rester identique au regard du caractère absolu de l’article 3.
L’article 3 traduit le souci des rédacteurs de la Convention européenne des droits de l’homme de protéger l’intégrité physique de la personne humaine en toutes circonstances. Il prohibe en effet de façon absolue la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants et érige le droit de ne pas subir de tels traitements en un droit intangible reconnu dans l’ordre interne des Etats membres.
1.Le caractère absolu des dispositions de l’article 3Le caractère absolu de l’article 3 se traduit pas son inviolabilité. Les règles édictées sont en effet considérées comme indérogeables et illimitées.
Cet article constitue une des rares dispositions de la Convention à laquelle, selon l’article 15 alinéa 2, il est impossible de déroger même en cas de circonstances exceptionnelles. La Commission et la Cour européenne des droits de l’homme ont largement interprété la portée de cet article, étendant son champ d’application à l’ensemble des situations portant atteinte à l’ordre public, et élargissant la notion de danger public à des circonstances non prévues par la Convention, telles que le terrorisme.
Les juridictions de Strasbourg ont également étendu la garantie de l’article 15 alinéa 2 aux circonstances personnelles et locales.
Ainsi, ni la gravité des agissements du requérant, ni les nécessités locales touchant au maintien de l’ordre public ne sont susceptibles de justifier une quelconque dérogation aux prohibitions de l’article 3.
En proclamant le caractère absolu des dispositions de l’article 3, la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de Strasbourg ont consacré l’existence d’une hiérarchie au sein des droits de l’homme.
L’article 3 fait partie de noyau dur des libertés qui ne peuvent être remises en cause.
Les dispositions de l’article 3 acquièrent ainsi une valeur suprême qui place ce texte, non seulement au dessus des autres dispositions européennes, mais aussi de toutes les normes internationales en vigueur sur le territoire de l’Etat. Cette interdiction absolue lui donne une valeur supra constitutionnelle, voir même supra conventionnelle.
La Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt Al Adsani contre Royaume-Uni du 21 novembre 2001 est allée encore plus loin, considérant l’interdiction de la torture comme appartenant aux règles de jus cogens, c’est-à-dire comme une norme impérative du droit international général.
L’interdiction de déroger aux dispositions de l’article 3 a donc des conséquences directes sur l’ordonnancement juridique interne et les Etats membres à la Convention européenne des droits de l’homme reconnaissent dans leur ensemble la portée absolue de cette disposition.
2.Reconnaissance du caractère absolu des dispositions de l’article 3 dans l’ordre interne des Etats membresParmi les Etats membres, certains reconnaissent expressément le caractère absolu des dispositions de l’article 3 ; pour d’autres, une telle reconnaissance n’est qu’implicite.
a.Reconnaissance expliciteCertains Etats reconnaissent expressément le caractère absolu des dispositions de l’article 3, confirmant ainsi la valeur suprême attribuée à la garantie européenne, qui se voit dès lors conférer un rang supérieur à la Convention européenne des droits de l’homme dans l’ordre interne.
Il en est ainsi des pays où la Convention a le rang d’une loi ordinaire, ainsi que dans les Etats conférant un rang supra légal mais infra constitutionnel à la Convention, la rédaction de l’article 3 se trouvant consacrée au plan constitutionnel.
Dans les pays où la Convention Européenne se voit reconnaître une valeur constitutionnelle, l’article 3 se voit attribuer un rang supra constitutionnel par le juge suprême.
Concernant les pays qui n’ont pas incorporé la Convention dans leur ordre interne, c’est la jurisprudence européenne qui joue alors un rôle décisif dans la détermination du statut juridique de l’article 3.
Toutefois, même si certains Etats ne consacrent pas de manière expresse l’article 3 dans leur droit interne, cela ne signifie pas pour autant que le caractère indérogeable et illimité des dispositions européennes est inexistant, la nature absolue de ces dispositions faisant dès lors l’objet d’une reconnaissance implicite.
b.Reconnaissance impliciteDans les pays où la Convention bénéficie d’une application directe, la formulation expresse de l’article 3 dans l’ordre interne est facultative.
Toute réserve à l’article 15 alinéa 2 étant proscrite, la nature absolue de l’article 3 va, par voie de conséquence, lier le législateur interne dès la ratification de la Convention.
Cependant, la reconnaissance du caractère absolu de l’article 3 peut n’être qu’indirecte dans les Etats se référant explicitement à des dispositions internationales équivalentes. Certains pays choisissent en effet de consacrer des dispositions internationales équivalentes à celles de l’article 3 mais dont la portée apparaît plus générale ou le contenu plus précis.