Bref commentaire de la décision rendue le 26 février 2007 par la Cour Internationale de Justice (CIJ)Deux idées principales peuvent être dégagée de cette décision. La première est le fait que la Cour se reconnaît compétente pour juger du massacre de Srebrenica (1).
La seconde consiste dans la condamnation par la Cour, de la Serbie pour la violation de l’obligation qui était la sienne, en vertu de la convention sur le génocide, de prévenir le génocide à Srebrenica, et violation des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention en ne coopérant pas pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) (2).
On ne peut bien entendu que se féliciter de la décision rendue par la Cour, quant au fond de l’affaire : la reconnaissance par la plus haute autorité judiciaire mondiale (pour rappel la Cour Internationale de Justice est l’émanation juridique des Nations Unies) du caractère génocidaire du massacre de Srebrenica.
Une réserve cependant pourrait être émise sur le strict plan formel de répartition des compétences. On comprend mal aujourd’hui l’utilité des Tribunaux internationaux spéciaux (pour l’Ex-Yougoslavie : le TPIY et pour le Rwanda : le TPIR) crées par l’ONU, si la CIJ se reconnaît compétente en la matière. Deux juridictions (le TPIY et la CIJ) qui sont deux émanations de l’ONU se reconnaissent compétentes pour juger de même faits, ce qui porterait atteinte aux principes essentiels de la procédure pénale...
Cependant, si en l’espèce la CIJ se reconnaît compétente, c’est pour sanctionner non des personnes physiques ayant participé aux faits de génocide en Ex-Yougoslavie (qui relève de la compétence du TPIY) mais pour sanctionner un Etat membre de l’ONU pour ne pas avoir pleinement coopéré avec le TPIY dans la phase d’enquête et de jugement des crimes perpétrés sur le territoire de l’Ex-Yougoslavie.
A la lumière de cette appréciation, on constate alors que la décision ne remet pas en question le champ de compétence applicable au TPIY et de la CIJ. Bien au contraire, la décision de la CIJ vient apporter une sorte de confirmation des décisions déjà rendues par le TPIY. Cette décision dispose en outre d’une véritable légitimité internationale puisque elle est rendue, en quelque sorte, au nom des Etats membres de l’ONU.
Une dernière chose regrettable à mon sens : la décision de la CIJ vient affaiblir la position de la Cour pénale internationale. En effet, la décision rendue par la CIJ a son intérêt puisqu'elle répond à une insuffisance des TPI dont la compétence est limitée dans le temps et dans l'espace. A titre d'exemple, le TPIR est compétent uniquement pour juger des faits commis en 1994 (compétence temporelle) sur le territoire Rwandais ou les territoires voisins (compétence territoriale). A ce titre, la décision de la CIJ dont la compétence n'est limitée ni dans le temps ni dans l'espace trouve toute sa pertinence.
Mais c'est oublier la création par l'ONU de la Cour pénale internationale dont l'objet est justement de répondre aux insuffisances des TPI et dont la compétence n'est ni limitée dans le temps ni dans l'espace. Cependant, il convient de rappeler que la Cour pénale internationale n'est compétente pour juger que des faits commis postérieurement à sa création. On comprend à cet égard pourquoi la CIJ s'est saisie du cas du massacre de Srebrenica qui ne relèvera pas de la compétence de la Cour pénale internationale.
Il conviendra à l’avenir de continuer à favoriser le dialogue des juges répressifs internationaux de manière à ne pas affaiblir leurs voix respectives.
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro)LA HAYE, le 26 février 2007.
La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, a rendu ce jour son arrêt en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro).
Dans son arrêt, qui est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour« 1) Rejette les exceptions contenues dans les conclusions finales du défendeur suivant lesquelles la Cour n’a pas compétence ; et dit qu’elle a compétence, sur la base de l’article IX de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, pour statuer sur le différend porté devant elle le 20 mars 1993 par la République de Bosnie-Herzégovine (…)2) Dit que la Serbie n’a pas commis de génocide, par l’intermédiaire de ses organes ou de personnes dont les actes engagent sa responsabilité au regard du droit international coutumier, en violation des obligations qui lui incombent en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (…)3) Dit que la Serbie n’a pas participé à une entente en vue de commettre le génocide, ni n’a incité à commettre le génocide en violation des obligations qui lui incombent en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (…)4) Dit que la Serbie ne s’est pas rendue complice de génocide en violation des obligations qui lui incombent en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (…)5) Dit que, s’agissant du génocide commis à Srebrenica en juillet 1995, la Serbie a violé l’obligation de prévenir le génocide prescrite par la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (…)6) Dit que la Serbie a violé les obligations qui lui incombent en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en ne transférant pas Ratko Mladić, accusé de génocide et de complicité de génocide, au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour y être jugé, et en ne coopérant donc pas pleinement avec ledit Tribunal (…)7) Dit que la Serbie a violé l’obligation qui lui incombait de se conformer aux mesures conservatoires ordonnées par la Cour les 8 avril et 13 septembre 1993 en la présente affaire, en ne prenant pas toutes les mesures qui étaient en son pouvoir pour prévenir le génocide commis à Srebrenica en juillet 1995 (…)Décide que la Serbie doit prendre immédiatement des mesures effectives pour s’acquitter pleinement de l’obligation qui lui incombe, en vertu de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, de punir les actes de génocide définis à l’article II de la Convention ou les autres actes prohibés par l’article III de la Convention, de transférer les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque de ces autres actes au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, et de coopérer pleinement avec ledit Tribunal (…)9) Dit que, s’agissant des violations des obligations visées aux points 5 et 7 ci-dessus, les conclusions formulées par la Cour sous ces points constituent une satisfaction appropriée et qu’il n’y a pas lieu en l’espèce d’ordonner que soient versées des indemnités, ni, en ce qui concerne la violation visée au point 5, que soient fournies des assurances et garanties de non-répétition (…)___________
Un résumé de l’arrêt est fourni dans le document intitulé «
Résumé no 2007/2 », auquel sont annexés les résumés des déclarations et opinions qui y sont jointes.
Le présent communiqué de presse est tiré du site interne de la Cour Internationale de Justice, celui ci de même que le résumé de l’arrêt, ainsi que le texte intégral de celui-ci figurent également sur le site Internet de la Cour (
www.icj-cij.org).
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