Le décret réformant la procédure civile du 28 décembre 2005 (1ère partie) :
Un décret réformant la procédure civile du 28 décembre 2005 est paru au Journal Officiel du 29 décembre.
Ce texte fait suite au décret n° 2004-836 du 20 août 2004 et participe d’un mouvement en profondeur de réforme de notre procédure civile, initié en 1997 avec le rapport Coulon, et confirmé plus récemment avec le rapport Magendie .
Composé de 89 articles, il contient des dispositions très variées, et pas uniquement en matière de procédure civile, le décret étant « relatif à la procédure civile, à certaines procédures d’exécution et à la procédure de changement de nom ».
On distinguera selon les trois phases d’une procédure classique :
1ère partie : L’introduction de l’instance:Tout procès suppose une succession d’actes que les parties soumettent au juge et qu’elles se communiquent entre elles.
Le plus important de ces actes est celui qui a pour objet d’engager le procès : l’acte introductif d’instance. La sécurité juridique impose que les parties aient une connaissance précise dès l’introduction d’un procès de l’identité de leur adversaire ainsi que de la nature et de l’étendue de ses prétentions. C’est dans ce sens que vont les nouveaux articles 54 et 58 du décret. L’assignation n’est plus le mode d’introduction de principe, elle est mise sur le même plan que la requête et que la déclaration au secrétariat de la juridiction.
Les praticiens trouveront donc des innovations de portée générale sur les actes du procès, tant en ce qui concerne la portée formelle des requêtes et des déclarations introductives d’instance, que les modalités de signification et de notification des actes de procédure.
A.La présentation formelle des actes, requêtes et déclarations :Le nouveau décret y consacre les articles 2 à 19. L’objectif a été d’unifier la présentation des requêtes et déclarations. L’attention se fixera donc essentiellement sur le nouvel article 58 du NCPC qui énumère les mentions devant nécessairement figurer, à peine de nullité, dans les requêtes et les déclarations, quelle que soit la juridiction en cause. Cette énumération reprend dans ses grandes lignes les mentions qui doivent apparaitre dans une assignation, avec toutefois quelques nuances rédactionnelles s’expliquant par le fait qu’il s’agit ici d’une requête ou d’une déclaration destinée à être portée, non pas à la connaissance d’un adversaire, mais à celle du juge lui-même.
Ces exigences sont reproduites dans les textes régissant le Tribunal d’instance (article 847-1 NCPC), le Tribunal de commerce (article 885), la Cour d’appel (article 901), la Cour de Cassation (article 975). Elles sont aussi transposées dans le code du travail (article R 145-10) et celui de la sécurité sociale (article R 142-28).
Cette unification devait avoir pour conséquence d’entrainer le remaniement de nombreux textes concernant le contenu d’une série d’actes éparpillés dans le code, mais aussi dans diverses autres dispositions légales : tel est l’objet des articles 4 à 19 du décret. Au lieu de répéter à chaque fois les mêmes énonciations, on verra apparaitre la formule rituelle, « outre les mentions prescrites par l’article 58 du nouveau code (…) », immédiatement suivie des mentions spécifiques propres à la requête ou à la déclaration en question. Ainsi finalement, rien n’est substantiellement changé, la présentation y gagne simplement en précision, clarté, et cohérence.
B.La signification et la notification des actes :C’est dans les articles 54 à 70 du décret que l’on note de profonds changements par rapport au passé, changements qui vont tous dans le sens d’une certaine simplification.
Nous examinerons d’abord les règles de principe, avant d’examiner les particularités concernant les actes destinés aux collectivités d’Outre Mer et à l’étranger.
1)Le régime de principeLe décret a modifié, non seulement les dispositions relatives aux significations par actes d’huissier de justice, mais aussi, à un moindre degré, les notifications en la forme ordinaire, c’est-à-dire par la voie postale.
Concernant les significations tout d’abord, la prééminence est toujours donnée à la signification à personne, signification par excellence. Le nouveau texte a même réaffirmé, avec plus de force encore, l’impérieuse nécessité de ne rien négliger pour arriver à une signification à personne, en insistant sur les vérifications auxquelles l’huissier de justice doit procéder avant de se résigner à ne pas trouver l’intéressé : il doit notamment relater dans l’acte « les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification » (article 655 NCPC).
Si la personne du destinataire est introuvable au moment du passage de l’huissier de justice, que doit-il faire ?
Il peut remettre la copie à une personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire, à condition que cette personne « accepte l’acte et déclare ses nom, prénoms, et qualité » (article 655 al 3 et 4 NCPC).
A défaut, c’est-à-dire après que l’huissier de justice ait vérifié que l’intéressé demeurait bien à l’adresse indiquée et en avoir fait mention dans l’acte, finies les remises d’actes aux gardiens d’immeubles, aux voisins ou en mairie : désormais, l’huissier de justice conserve l’acte en son étude où le destinataire, dûment avisé par un avis de passage qui doit être laissé à sa demeure, pourra venir le retirer. Le destinataire peut demander que la copie de l’acte soit transmise à une autre étude plus proche de sa demeure (article 656 NCPC).
Concernant alors la date à prendre en considération, le nouvel article 653, reprenant le texte ancien à quelques retouches formelles près, décide bien que « la date de la signification est celle du jour où a elle a été faite à personne, à domicile, à résidence ou, dans le cas mentionné à l’article 659 [celui où le domicile est inconnu], celle de l’établissement du procès verbal ».
Concernant à présent les notifications en la forme ordinaire : Il faut préciser que lorsque la notification a pour objet un acte introductif d’instance effectué par le greffe, le nouvel article 665-1 NCPC précise les mentions qui doivent y figurer (sa date, l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée, le risque d’un défaut de comparution, éventuellement la date de l’audience et les conditions de la représentation).
Mais l’essentiel n’est pas là mais réside plutôt dans la délivrance des notifications. Sous le régime antérieur, ou bien le destinataire avait signé l’avis de réception et la notification produisait son effet, sauf à s’interroger sur la qualification de la notification ; ou bien (ce qui était fréquent), l’intéressé était absent et négligeait de se rendre au bureau de poste pour retirer la lettre, et dans ce cas elle était retournée au greffe qui devait aviser le requérant en l’invitant à procéder par voie de signification.
Le décret de 2005 s’efforce de remédier à cette situation aux nouveaux articles 670 et 670-1 du NCPC. Le premier texte décide que la notification est faite à personne, lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire, tandis qu’elle est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l’avis de réception a été signé par une personne munie d’un pouvoir à cet effet. L’article 670-1 en tire alors la conséquence suivante : en cas de retour de la lettre, le greffier n’avisera le requérant qu’il y a lieu de procéder par voie de signification que « si l’avis de réception n’a pas été signé dans les conditions prévues à l’article 670 » ainsi qu’il vient d’être dit.
2)Les régimes particuliersLorsque l’acte est destiné à une personne dont la demeure est fixée dans une collectivité d’outre mer ou en Nouvelle-Calédonie, on ne passe plus par le Parquet comme auparavant : si l’acte n’a pas pu être délivré à personne, on procède par voie de transmission directe : L’acte est transmis par l’huissier à l’autorité locale compétente aux fins de sa remise à l’intéressé, et le même jour, ou le premier jour ouvrable suivant, il expédie au destinataire une lettre recommandée contenant une copie de l’acte certifiée conforme (article 660 NCPC) ; l’autorité locale compétente informe ensuite l’huissier des diligences effectuées (article 661 NCPC).
Il en est de même quand il s’agit d’une notification en la forme ordinaire (article 670-2 NCPC).
Dans le cas où l’acte est destiné à être délivré à l’étranger, la situation est plus complexe puisqu’il faut d’abord prendre en compte les règles particulières résultant des traités internationaux et plus spécialement les dispositions spéciales résultant des Règlements communautaires que l’article 683 du NCPC prend soin de réserver. Le nouveau texte garde ensuite la signification par le canal du Parquet (article 684 NCPC), et comme par le passé, l’obligation faite à l’huissier d’adresser au destinataire une lettre recommandée contenant une copie de l’acte (article 686 NCPC).
Le législateur moderne apporte néanmoins quelques précisions importantes :
Il est en effet rappelé que si l’acte est destiné à un Etat, à un agent diplomatique, ou à une personne bénéficiant de l’immunité de juridiction, l’acte est certes remis au Parquet, mais pour une transmission par la voie diplomatique. En outre, le même article 683 prend soin de fixer le Parquet auquel il faut s’adresser en offrant une assez large option territoriale. Le Parquet a l’obligation d’informer l’huissier des diligences effectuées (article 687 NCPC).
Quant à la date à prendre en considération, le nouvel article 647-1 du NCPC prévoit que la signification est réputée avoir pour date, celle de l’expédition s’il s’agit d’une notification ; celle de la réception par le Parquet en cas de signification, tout au moins « à l’égard de celui qui y procède ».
C.La communication des actes par voie électroniqueL’informatique fait son entrée dans le nouveau Code : l’article 73 du décret de 2005 y ajoute un titre XXI comportant les nouveaux articles 748-1 à 748-6. Dès aujourd’hui, le répertoire général, le dossier et le registre tenus par les juridictions peuvent l’être sur support électronique (article 729-1 NCPC). En revanche, les dispositions sur la communication des actes du procès par voie électronique n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2009.
Par ailleurs, le nouvel article 748-1 du NCPC pose en principe que « les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectuées par voie électronique (…)». Le principe est ainsi posé. Viennent ensuite les conditions et les réserves : Le destinataire des envois doit consentir expressément à l’utilisation de la voie électronique (article 748-2 NCP), et les envois doivent faire l’objet d’un avis électronique de réception indiquant la date et l’heure de celle-ci (article 748-3 NCPC). En tout état de cause, le juge peut toujours exiger la production du support papier (article 748-4 NCPC). De son côté, la partie intéressée peut, elle aussi, exiger cette même production, tout au moins lorsqu’il s’agit d’une décision juridictionnelle revêtue de la formule exécutoire (article 748-5 NCPC). Enfin, l’article 748-6 précise que: « les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice, la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité es échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi et celle de la réception par le destinataire ».