yassir Invité
| Sujet: Sanction du contrat illicite en arbitrage international 3 Sam 5 Mai - 23:39 | |
| 2. L’arbitre et l’utilisation de l’ordre publicL’ordre public international agit comme régulateur de la liberté du commerce international. Lorsqu’un contrat est contraire à l’ordre public, la volonté des parties n’est plus acceptée, le contrat devient nul et de nul effet. Peut-on trouverun appui plus ferme dans la notion d’ordre public réellement international pour défendre les valeurs essentielles de la communauté internationale et condamner sans équivoque la corruption dans les relations économiques internationales? La question autrement posée serait la suivante : L’arbitre peut-il utiliser la notion d’ordre public transnational pour annuler les contrats entachés de corruption?Deux courants doctrinaux s’opposent. Le courant majoritaire, soutenu par les auteurs comme Derains, Schwebel-Lahne et Böckstiegel, considère la notion d’ordre public transnational comme un mythe. Pour permettre à l’arbitre de se référer à un quelconque « ordre public transnational » supposerait deux conditions réunies. Premièrement, il faut l’existence d’un ordre juridique qui serait lui-même transnational dans lequel cet ordre public transnational traduirait les valeurs essentielles. Deuxièmement, il faut que l’arbitre détienne son pouvoir de juger de cet ordre juridique transnational. Or, c’est très douteux que la première condition soit effectivement remplie. En ce qui concerne le deuxième, il est certain qu’elle n’est pas remplie. Comme le fondement de l’arbitrage est conventionnel, l’arbitre n’a pas de for. Il ne tranche le litige pour le compte d’aucun ordre juridique, ni national, ni international ou transnational; son mandat est circonscrit dans l’acte de mission. L’arbitre a l’obligation de respecter l’ordre public, sans en être le gardien. Ainsi, lorsqu’il y a connivence entre les parties de ne pas confier à l’arbitre la mission de statuer sur l’illicéité du contrat, à supposer que l’arbitre ait constaté l’illicéité, il ne peut le sanctionner en invoquant la protection des intérêts publics supérieurs de la communauté internationale.À l’opposé, il existe un courant minoritaire qui soutien l’existence d’un ordre public international ou transnational. Par exemple, dans les cas de contrats entachés de corruption, Pierre Lalive recommande aux arbitres d’ « examiner le contrat avec l’ordre public transnational {pour} la protection des intérêts supérieurs de la communauté internationale. »En effet, en retournant aux rares sentences dans le domaine, il nous est aisé de constater que les arbitres sanctionnent l’illicéité du contrat de corruption et/ou de trafic d’influence en ayant recours à diverses expressions comme « la moralité dans les affaires internationales », « un principe général de droit reconnu par les nations civilisés » ou « l’ordre public international tel que la plupart des nations le reconnaît. » Quelle que soit l’appellation, c’est de la même notion – l’ordre public véritablement international ou transnational – qui est en cause.L’examen de la pratique tant judiciaire qu’arbitrale a montré l’existence d’une large coïncidence entre le domaine de l’ordre public international des États et de l’ordre public transnational. Ce phénomène d’osmose entre ces deux ordres permet à l’arbitre, dans son raisonnement pour sanctionner une violation quelconque, de ne pas différer de manière radicale au juge étatique. En outre, il ne faut pas craindre les abus de la part de l’arbitre en lui laissant recourir à la notion de l’ordre public transnational. L’observation de la jurisprudence démontre que les sentences arbitrales qui invoquent cette notion sont très rares.3. Le respect des lois de policeDans le cadre de notre analyse, nous allons seulement effleurer la question concernant le respect par l’arbitre international des lois de police étrangères. En général, par souci d’efficacité de sa sentence, l’arbitre prendra en considération les lois de police. Cette idée est développée par l’Association du commerce des grains d’Amsterdam dans une de ses sentences concernant l’application des lois de police résume :« Les arbitres pourraient donner effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre pays, si un lien étroit existait entre la situation et ce pays et en tenant compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application »Autrement dit, si la non-application de la loi de police était de nature à priver la sentence de la reconnaissance par un juge étatique, l’arbitre appliquerait a fortiori les lois de police. Par ailleurs, c’est aussi un moyen pour l’arbitre de ne pas se désintéresser des impératifs de la morale. Dans une autre sentence arbitrale, l’arbitre impose le respect des lois de police en s’exprimant dans ces termes : « Le commerçant d’un pays qui cherche à vendre ses produits dans un autre pays [...] ne saurait prétendre ignorer ou ne pas se soumettre aux lois de police ou à la réglementation relative à l’importance des marchandises [...] »En l’esp Dans cette situation particulière, les lois de polices sont entrées dans le champ contractuel malgré les parties, et le « commerçant exportateur est tenu de respecter les lois de police du pays d’accueil de sa marchandise. »Malgré la tendance générale à l’application des lois de police, le juriste Derains y met un bémol : il y a lieu de différencier selon l’intention de parties. En effet, la pratique arbitrale est systématisée autours de l’idée du « souci de répondre à l’attente légitime des parties ». Si les parties devaient normalement penser à l’application des lois de police, l’arbitre appliquera ces lois. Dans le cas contraire, il ne les appliquera pas. Cependant, les lois de police n’apparaissent pas comme une méthode satisfaisante pour l’arbitre de sanctionner la corruption, notamment en raison du flou qui les entoure et qui rend difficile la mise en oeuvre. ___________________ Yassir Madih Avocat au Barreau de Casablanca (Maroc) Elève avocat au Barreau de Montréal (Québec) Droit international des affaires |
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