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 Draon Maurice c/ France - communiqué du greffier - faits

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bruno tourret
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bruno tourret


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Draon Maurice c/ France - communiqué du greffier - faits Empty
MessageSujet: Draon Maurice c/ France - communiqué du greffier - faits   Draon Maurice c/ France - communiqué du greffier - faits Icon_minitimeVen 8 Déc - 3:13

Communiqué du Greffier

ARRÊTS DE GRANDE CHAMBRE DRAON c. FRANCE et MAURICE c. FRANCE


La Cour européenne des Droits de l’Homme a prononcé aujourd’hui en audience publique ses arrêts de Grande Chambre[1] dans les affaires Draon c. France (requête no 1513/03) et Maurice c. France (no 11810/03).


Dans ces deux affaires, la Cour conclut, à l’unanimité :

1. à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 (protection de la propriété) à la Convention européenne des Droits de l’Homme ;

2. à la non-violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) ;

3. à la non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), en admettant que cette disposition soit applicable.



La Cour estime que la question de l’article 41 (satisfaction équitable) ne se trouve pas en état en ce qui concerne le dommage matériel et moral, et en conséquence, la réserve en entier. Au titre des frais et dépens, elle alloue 15.244,00 EUR aux époux Draon et 21.400,00 EUR aux époux Maurice. (Les arrêts existent en français et en anglais.)


I. PRINCIPAUX FAITS

Les requérants sont des ressortissants français : Christine et Lionel Draon sont nés respectivement en 1962 et 1961 et résident à Rosny-sous-bois (France), et Sylvia et Didier Maurice sont nés respectivement en 1965 et 1962 et résident à Bouligny (France). Les époux Maurice agissent également au nom de leurs deux filles qui sont âgées de 15 et huit ans.

M. et Mme Draon et M. et Mme Maurice sont les parents d’enfants atteints de graves handicaps congénitaux qui, en raison d’une erreur médicale, ne furent pas décelés lors d’un examen prénatal. Ils intentèrent une procédure contre l’établissement de santé concerné, mais du fait de l’application aux affaires pendantes de la loi du 4 mars 2002 dite « loi Kouchner » ou « loi anti-Perruche »[2], entrée en vigueur alors que leurs recours étaient pendants, les requérants obtinrent la condamnation de l’établissement à réparer leur seul préjudice moral et les troubles dans leurs conditions d’existence, et non les charges particulières découlant du handicap de l’enfant.

De nouvelles dispositions ont depuis été introduites par la loi du 11 février 2005 visant à réformer le système de compensation du handicap en France. A ce jour, cette loi n’est pas encore entrée en vigueur.


Draon c. France

Enceinte de son premier enfant, Mme Draon subit une échographie au cinquième mois de sa grossesse qui révéla une anomalie dans le développement du foetus. En août 1996, une amniocentèse qui fut effectuée à l’hôpital Saint‑Antoine, dépendant de l’Assistance Publique‑Hôpitaux de Paris (AP-HP), ne décela aucune anomalie du foetus.

Cependant, l’enfant des époux Draon, qui naquit en décembre 1996, présenta très rapidement de graves malformations cérébrales, une infirmité majeure et une invalidité totale et définitive nécessitant notamment des soins spécialisés permanents. L’AP-HP reconnut qu’une erreur de diagnostic avait été commise et que l’anomalie chromosomique dont souffre l’enfant était décelable à l’époque de l’amniocentèse.

Les requérants intentèrent un recours contre l’AP-HP devant les juridictions administratives. Le juge des référés leur alloua une provision d’un montant total d’environ 155.500,00 EUR. Alors que leur affaire était pendante au fond, la loi du 4 mars 2002, nouvellement entrée en vigueur, leur fut opposée.

Se fondant sur cette loi, et sur l’avis contentieux rendu par la Conseil d’Etat à ce sujet le 6 décembre 2002, le tribunal administratif de Paris estima, le 2 septembre 2003, que l’AP-HP avait commis une faute caractérisée ayant privé les requérants de la possibilité de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique, ouvrant droit à réparation. Rejetant une partie des demandes des requérants, concernant les charges particulières découlant du handicap de l’enfant tout au long de sa vie, le tribunal leur alloua 180 000 EUR au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence. L’appel interjeté par les époux Draon à l’encontre de ce jugement est actuellement pendant devant la cour administrative d’appel de Paris.



Maurice c. France

En 1990, les requérants eurent un premier enfant atteint d’amyotrophie spinale infantile, une maladie génétique provoquant une atrophie des muscles. Deux ans plus tard, ayant appris que l’enfant qu’elle portait risquait de souffrir de la même maladie, Mme Maurice décida d’interrompre sa deuxième grossesse.

En 1997, la requérante, qui était enceinte pour la troisième fois, demanda un diagnostic prénatal qui fut effectué dans un laboratoire dépendant de l’AP-HP. Les résultats de cette analyse ne révélèrent aucune anomalie. Cependant, l’enfant naquit en septembre 1997 et il apparut dans les mois qui suivirent qu’il était atteint de la même maladie génétique. Un rapport d’expertise établit qu’une erreur de diagnostic avait été faite, résultant d’une inversion des résultats des analyses avec ceux d’une autre famille.

Les requérants intentèrent un recours contre l’AP-HP devant les juridictions administratives. Le juge des référés leur alloua une provision de 152 499 EUR, qui fut ramenée en appel à 15 245 EUR en application de la loi du 4 mars 2002, intervenue entre temps. En décembre 2002, le Conseil d’Etat fixa à 50.000,00 EUR le montant de l’indemnité provisionnelle.

Le 25 novembre 2003, le tribunal administratif de Paris, eu égard aux dispositions de la loi du 4 mars 2004, rejeta les demandes des époux Maurice concernant les charges particulières découlant du handicap de leur enfant tout au long de sa vie, et condamna l’AP-HP à leur verser 224 500 EUR au titre de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d’existence. L’appel interjeté par les requérants est actuellement pendant devant la cour administrative d’appel de Paris.

Par ailleurs, les intéressés intentèrent une action en responsabilité de l’Etat du fait de la loi du 4 mars 2002 qui fut rejetée en première instance et est actuellement pendante devant la cour administrative d’appel de Paris.


II. PROCEDURE ET COMPOSITION DE LA COUR

Les requêtes ont été introduites devant la Cour européenne des Droits de l’Homme les 2 janvier et 28 février 2003 respectivement. Elles ont été déclarées recevables le 6 juillet 2004.

Le 19 octobre 2004, la Chambre à laquelle ces deux affaires avaient été attribuées s’est dessaisie au profit de la Grande Chambre, en application de l’article 30[3] de la Convention. Une audience de Grande Chambre a eu lieu, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg, le 23 mars 2005.

L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre de 17 juges.


--------------------------------------------------------------------------------

[1] Les arrêts de Grande Chambre sont définitifs (article 44 de la Convention).

[2] La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, définit un nouveau régime de réparation des préjudices subis par les parents d’enfants nés avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute. Le régime ainsi instauré fait notamment obstacle à ce que puisse être demandée au médecin ou à l’établissement de santé mis en cause une réparation des charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap, alors que tel était le cas antérieurement.

[3] Si l’affaire pendante devant une chambre soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou de ses Protocoles, ou si la solution d’une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour, la chambre peut, tant qu’elle n’a pas rendu son arrêt, se dessaisir au profit de la Grande Chambre, à moins que l’une des parties ne s’y oppose.

[4] Elu au titre de Liechtenstein.
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