La notion de producteur en matière de responsabilité du fait des produits défectueux a posé dès la transpostion de la directive n°85/374/CEE du 25 juillet 1985 sur la responsabilité des produits défectueux par la loi du 19 mai 1998 (
I) en droit interne des difficultés. En effet, la notion initialement retenue dans notre droit interne a donné lieu à des condamnations successives de la France par la Cour de Justice des Communautés Européennes pour mauvaises transposition (
II), ce qui a conduit à une notion de producteur beaucoup plus conforme à l'esprit de la directive par l'adoption de la loi du 5 avril 2006 (
III).
I. Notion initiale du producteur au sens de la loi du 19 mai 1998
L’
article 1386-7 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 19 mai 1998, assimilait le fournisseur du produit de santé défectueux au producteur :
« Le vendeur, le loueur, à l’exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur. » Ainsi en cas de défectuosité du médicament, les distributeurs professionnels, c’est-à-dire les pharmaciens ; les grossistes-répartiteurs, les dépositaires, les sous traitants, les licenciés, les importateurs et notamment les importateurs parallèles pouvaient aussi être actionnés en responsabilité dans les mêmes conditions que le producteur.
Par cette assimilation, le texte allait bien au-delà de ce que prévoyait
la directive n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 sur la responsabilité des produits défectueux dont l’article 3§3 n’assimilait le fournisseur au producteur que si le premier n’indiquait pas à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité du producteur ou de son propre fournisseur.
En effet, la loi française assimilait le fournisseur au producteur, alors que la directive ne retenait la responsabilité du fournisseur qu’à titre subsidiaire, lorsque le producteur demeure inconnu. Ainsi le fournisseur ne devait être qu’un responsable de second rang et ne pouvait pas être placé sur le même rang que le producteur dans la chaîne de responsabilité.
C'est la raison pour laquelle dans son arrêt du 25 avril 2002, la Cour de justice des communautés européennes a condamné la France pour mauvais transposition de la directive (
CJCE, 25 avr. 2002, aff. C-52/00).
II. Condamnations successives par la CJCE de la France pour mauvaise transpostion de la directive communautaire sur les produits défectueux
La Cour de justice a considéré que la France a manqué à ses obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3§3 de la directive, puisqu'aux termes de l’article 1386-7 alinéa 1er du Code civil, le distributeur d’un produit défectueux est responsable dans tous les cas et au même titre que le producteur.
Afin de tenir compte de la condamnation de la France pour mauvaise transposition de la directive de 1985, le législateur français avait modifié pa la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 dite de simplification du droit (J.O du 10 décembre 2004) la rédaction de l’article 1386-7 du Code civil de la manière suivante : « Le vendeur, le loueur, à l’exception du crédit bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel n’est responsable du défaut du produit dans les mêmes conditions que le producteur que si ce dernier demeure inconnu ».
Toutefois cette nouvelle rédaction de l’article 1386-7 du Code civil résultant de la loi du 9 décembre 2004 a donné lieu à une nouvelle condamnation de l’Etat français pour transposition incorrecte.
Par son arrêt rendu en grande chambre le 14 mars 2006, la Cour de justice des communautés européennes a déclaré que « En continuant à considérer le fournisseur du produit défectueux comme responsable au même titre que le producteur, lorsque ce dernier ne peut être identifié, alors que le fournisseur a indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l’identité de celui qui lui a fourni le produit, la République Française n’a pas mis en œuvre les mesures que comporte l’exécution complète de l’arrêt du 25 avril 2002, Commission/France (C-52/00), en ce que qui concerne la transposition de l’article 3 paragraphe 3, de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et a manqué de ce fait aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article de l’article 228 CE ».
Cette définition restrictive du producteur a également été réaffirmée par la Cour de justice des communautés européennes dans l’arrêt Skov Aeg du 10 janvier 2006. Suite à différentes questions préjudicielles portant sur la transposition de la directive de 1985 par la loi danoise n°371 du 7 juin 1989, la Cour de justice a retenu que « a directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, doit être interprétée en ce sens, qu’elle s’oppose à une règle nationale selon laquelle le fournisseur répond, au-delà des limitativement énumérés de l’article 3, paragraphe 3, de la directive, de la responsabilité sans faute que la directive institue et impute au producteur ».
III. Notion de producteur issue de la loi du 5 avril 2006Cette nouvelle condamnation de la France, pour transposition incorrecte de la directive de 1985, a conduit à l’adoption de
la loi n° 2006-406 du 5 avril 2006 relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux (J.O du 6 avril 2006).
L’article 1386-7 alinéa 1er du Code civil est désormais ainsi rédigé :
« Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l’exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu’il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.»Par cette modification législative, le texte de l’article 1386-7 du Code civil est très semblable à celui de l’article 3§3 de la directive et l’Etat français semble s’être enfin mis en conformité avec la directive 85/374/CEE.