Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 18 mai 1999
N° de pourvoi : 96-44315
Publié au bulletin
Président : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. .
Rapporteur : M. Texier.
Avocat général : M. Lyon-Caen.
Avocat : M. Choucroy.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que M. Rochin a été embauché le 4 septembre 1986, par la société Gecica en qualité d'ouvrier d'exécution ; que la lettre d'engagement faisait référence à la convention collective des travaux publics et au règlement intérieur de l'entreprise ; que le contrat de travail a été repris par la société Legrand à compter du 31 mars 1991 ; que, par télégramme du 4 février 1994, il a été demandé à M. Rochin de se présenter pour une nouvelle affectation le 7 février à Tourcoing ; qu'ayant refusé cette affectation, il a fait l'objet d'un avertissement le 3 mars 1994, et a été licencié pour faute grave le 18 avril 1994 ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 13 mai 1996), de l'avoir condamnée à verser les indemnités de rupture à M. Rochin, d'avoir ordonné le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié par l'Assedic, et de l'avoir condamnée à verser au salarié une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, d'abord, que le refus injustifié d'un salarié, malgré une mise en demeure de son employeur, de se soumettre à un ordre de changement de poste, n'entrainant pas une modification substantielle du contrat de travail, constitue une faute grave rendant impossible le maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. Rochin était soumis à une clause de mobilité, que le refus de se soumettre à un ordre de changement de poste, n'entrainant pas une modification substantielle du contrat de travail, était constitutif d'une faute grave, peu important des considérations d'ordre personnel tenant à ce que M. Rochin ne pouvait laisser seule sa femme enceinte de 7 mois ; qu'en refusant de retenir l'existence de la faute grave, la cour d'appel a commis une erreur manifeste de qualification et a violé les articles L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail ; alors ensuite, que la société soulignait dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse qu'elle avait pris soin d'expliquer à M. Rochin les raisons de sa nouvelle affectation justifiée par les activités de l'entreprise, les conditions d'embauche du salarié, de l'activité réduite de la société eu égard à la conjoncture et de l'impossibilité d'employer M. Rochin dans la région parisienne, compte tenu de sa qualification professionnelle, qu'en particulier le Groupe 40 de Villeneuve-Saint-Georges dont faisait partie le salarié, a connu une grave crise tels que des licenciements économiques, et que seules des personnes plus qualifiées que M. Rochin ont continué à travailler sur Villeneuve-Saint-Georges pour une période très limitée, que pareilles circonstances étaient propres à justifier la mutation de M. Rochin sur le chantier de Tourcoing et que son refus constituait une faute grave ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, ensuite que le salarié ne devient créancier de l'indemnité de préavis qu'à charge pour lui de rester à la disposition de son employeur ; qu'en l'espèce, dès lors que la mutation de M. Rochin à Tourcoing ne constituait pas une modification substantielle de son contrat, il avait l'obligation d'exécuter son préavis dans son nouveau poste ; que, par suite, en retenant que le salarié s'est tenu à la disposition de son employeur dans son ancien poste, la cour d'appel a violé l'article L. 122-8 du Code du travail ; alors, enfin, que repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d'un salarié qui refuse d'effectuer un déplacement prévu à son contrat de travail, dès lors que cette mutation ne constitue pas une modification substantielle du contrat ;
que la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, constater tout à la fois que M. Rochin avait accepté la clause de mobilité dans la France entière, que " le fait qu'il n'ait pas jusqu'alors effectué de déplacement ne l'exonérait pas de l'obligation de se conformer à cette clause " et que l'employeur avait abusé de son droit d'imposer la clause de mobilité au salarié, en se fondant sur des considérations d'ordre personnel et en substituant son appréciation au pouvoir d'organisation du travail, par l'employeur qui affecte les salariés sur les chantiers où se trouve du travail correspondant à leurs qualifications ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'obligation du salarié de se conformer à la clause de mobilité, a relevé que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, avait fait un usage abusif de cette clause en imposant au salarié, qui se trouvait dans une situation familiale critique, un déplacement immédiat dans un poste qui pouvait être pourvu par d'autres salariés ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, ayant relevé que le salarié s'était tenu à la disposition de l'employeur, a légalement justifié sa décision de condamner l'employeur à payer une indemnité compensatrice de préavis ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.