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 Caution disproportionnée d'une personne ou d'une société

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bruno tourret
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bruno tourret


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Caution disproportionnée d'une personne ou d'une société Empty
MessageSujet: Caution disproportionnée d'une personne ou d'une société   Caution disproportionnée d'une personne ou d'une société Icon_minitimeMar 13 Fév - 21:28

J’ai souscrit un engagement de caution qui a pour objet de garantir un emprunt réalisé au bénéfice d’une tierce personne. Cette tierce personne s’avère défaillante dans le remboursement de son prêt, la banque se retourne alors vers moi en ma qualité de caution. Cependant, mon engagement s’avère disproportionné par rapport à mes revenus. Puis je opposer la disproportion de mon engagement de caution à la banque ?



Dans ce type de situation, qui s’avère fréquent, la sanction diffère selon que la caution a la qualité de personne physique (I) ou de personne morale (II).



I. LE CAUTIONNEMENT DISPROPORTIONNE SOUSCRIT PAR UNE PERSONNE PHYSIQUE

En pratique, l’engagement de caution souscrit par une personne physique intervient généralement dans le cadre des affaires.

Une société souhaite investir mais ne dispose pas de liquidité, elle souscrit alors un prêt auprès d’un établissement de crédit. Pour garantir que le prêt sera remboursé en totalité, la banque sollicite alors du dirigeant de la société emprunteuse qu’il garantisse personnellement le remboursement. Cette garantie prend alors fréquemment la forme d’un engagement de caution.

Nous ferons ici un bref rappel sur le régime du cautionnement par lequel la « caution » (généralement un dirigeant de société) garanti au créancier (généralement la banque) le paiement de sa créance (dans notre hypothèse la créance est un contrat de prêt) en cas de défaillance du débiteur principal (la société).

Un constat s’impose donc à titre liminaire : même si la caution s’engage pour garantir les dettes du débiteur principal, elle n’est pas lié directement à lui ; la caution n’est contractuellement lié qu’avec le créancier. Quant au contrat de prêt, il est souscrit entre le débiteur principal et le créancier, à l’exclusion de la caution.


1. Le régime antérieur à la loi n° 2003-721 du 1er août 2003

La caution poursuivie en paiement par le créancier peut engager la responsabilité de la banque pour réduire son obligation au paiement de la dette principale. Le fait, pour la caution, d’invoquer la disproportion de son engagement par rapport à ses revenus personnels constitue un moyen efficace de réduire ses obligations vis-à-vis de la banque.

Le régime de sanction des cautionnements disproportionnés a beaucoup évolué ces dernières années. Le régime a été inauguré par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation « Macron ».

Au terme de cet arrêt, dont la caution avait été souscrite par le dirigeant d’une société, la Cour de cassation juge que le créancier (donc la banque) manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet une faute dont il doit réparation dans le cas où il a laissé une caution souscrire un engagement disproportionné par rapport à ces revenus (Chambre commerciale de la Cour de cassation du 17 juin 1997 : n° 95-14105).

Devant la crainte de la multiplication des actions en justice, la jurisprudence « Nahoum » est venue encadrer le nouveau régime de sanction des cautionnements disproportionnés.

Cet arrêt n’interdit pas de se prévaloir d’un engagement disproportionné pour les cautions mais la Cour de cassation précise que la caution doit démontrer que la banque a, sur les revenus, le patrimoine, les facultés de remboursement, des informations que la caution aurait elle-même ignorée, preuve quasi impossible à établir… (Cour de cassation, chambre commerciale 8 octobre 2002 : n° 99-18619).

Au terme de la jurisprudence « Macron », la caution qui parvenait à démontrer la disproportion de son engagement percevait des dommages et intérêts. Cette solution, bien que reposant sur de bonnes intentions, n’avait que peu d’utilité en pratique puisque les cautions cherchent surtout à se décharger de leur engagement contracté avec le créancier.

C’est dans ces conditions que le droit de la consommation est venu modifier le régime de sanctions des cautionnements disproportionnés.



2. Le régime applicable depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003

Le régime actuel trouve son fondement dans l’article L. 341-4 du Code de la consommation qui dispose :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

En premier lieu, il convient de préciser que le régime posé par l’article L. 341-4 du Code de la consommation est d’application générale : pour tous les créanciers professionnels à l’égard de tous les engagements de caution souscrits par des personnes physiques.

En outre, la Cour de cassation a posé comme principe que l’article L. 341-4 du Code de la consommation n’était applicable que pour les cautionnements souscrits après l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 (Chambre Mixte de la Cour de cassation 22 septembre 2006 : n° 05-13517).

La loi est entrée en vigueur suite à sa publication au Journal Officiel du 5 août 2003. Par voie de conséquence, la caution ne peut se prévaloir dans dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la consommation que si son engagement a été souscrit après le 5 août 2003. L’arrêt de la Chambre Mixte de la Cour de cassation du 22 septembre 2006 constitue un revirement de jurisprudence assez inquiétant puisque la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 avait prévu que l’article L. 341-4 du Code de la consommation s’appliquait aux engagement de caution en cours d’exécution au moment de la publication de la loi, soit aux engagements conclus antérieurement à ladite publication.


Comment mettre en œuvre la disproportion de l’engagement de caution ? La charge de la preuve pèse sur la caution, elle doit démontrer qu’au moment où elle s’est engagée, ces revenus ne lui permettaient pas de désintéresser le créancier dans l’hypothèse où il l’appellerait en garantie. Le plus simple reste de produire un justificatif de ses revenus de l’année où la caution s’est engagée.

Attention, il convient de rappeler que le caractère disproportionné de l’engagement de caution est apprécié souverainement par les juges du fond (c'est-à-dire le juge de 1ère instance et le juge d’appel). Dès lors, il conviendra d’apporter un maximum d’élément pour emporter la conviction du juge sur le caractère disproportionné de l’engagement de caution.

A titre d’exemple, dans l’arrêt « Macron », le dirigeant disposait d’un revenu mensuel de 6.000,00 EUR et un patrimoine inférieur à 600.000,00 EUR. En s’engageant à garantir une dette de sa société d’environ 3.000.000,00 EUR les juges ont considéré que son engagement était disproportionné.

Quelle sanction pèse sur le créancier qui a fait souscrire un engagement de caution disproportionné ? L’article L. 341-4 du Code de la consommation dispose que la caution est alors déchargée de son engagement. C’est la différence essentielle entre l’ancien et le nouveau régime.

Le régime prétorien institué en 1997 posait un principe de responsabilité de la banque. Dans ces conditions, la banque fautive était condamnée à payer des dommages et intérêts, qui équivalait généralement au montant de la dette principale que la caution garantissait. Ainsi dans l’arrêt « Macron » la banque a été condamnée à payer au dirigeant-caution, la somme de 3.000.000,00 EUR. Cependant, la banque n’a jamais payée une telle somme puisque le juge a aussitôt ordonné la compensation entre la somme due par la caution et le montant des dommages et intérêts. Les parties en sont donc restées quitte.

Avec le nouveau régime, la caution est déchargée automatiquement de son engagement qu’elle a souscrit avec la banque. La banque quant à elle n’est pas condamnée à payer des dommages et intérêts qui, dans cette hypothèse, peuvent prendre la forme de véritables punitive damages encore contraire à l’ordre public français pour quelques temps…

Face à ce risque de décharge, la banque n’a qu’une seule possibilité : démontrer que les revenus de la caution, au jour où elle est appelée en garantie, sont désormais proportionnés au montant de la dette principale. Dans le cas où la caution est revenue à meilleure fortune, la caution doit payer, peu importe qu’au moment où elle s’est engagée, l’engagement de caution était disproportionné.

Venons en à présent au régime applicable aux personnes morales.



II. LE CAUTIONNEMENT DISPROPORTIONNE SOUSCRIT PAR UNE PERSONNE MORALE

Cette hypothèse peut se rencontrer dans les groupes de sociétés par exemple. Une société filiale (débiteur principal) emprunte une somme d’argent pour investir, la banque prêteuse (créancier) conditionne alors son prêt à la garantie du remboursement en cas de défaillance du débiteur principal. Cette garantie peut être souscrite par la société mère sous la forme d’un engagement de caution.

Aucune sanction n’est prévue expressément en cas d’engagement de caution disproportionné aux résultats de la société-caution. En effet, l’article L. 341-4 du Code de la consommation s’applique uniquement aux personnes physiques. Cependant, il est possible d’utiliser les mécanismes propres au droit des sociétés pour faire tomber un engagement de caution disproportionné.

En effet, lorsque que la caution est souscrite par la personne morale avec la banque, elle implique nécessairement une délibération du Conseil d’administration qui autorise expressément la société à se porter caution pour garantir la dette principale. C’est sur le fondement de cette délibération du Conseil d’administration qu’il sera possible de décharger la société d’un engagement de caution disproportionné.

En effet, l’article L. 235-1 alinéa 2 du Code de commerce dispose :

« La nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats. »

Deux fondements sont alors possibles pour annuler la délibération du Conseil d’administration comme violant la législation : le droit civil, droit commun des contrats (au visa de l’article 1134 in fine du Code civil) et le droit des sociétés.


1. La nullité de la délibération sur le fondement du droit civil

A tire de rappel, la jurisprudence « Macron » sanctionnait la banque responsable d’un cautionnement disproportionné sur le fondement de l’article 1134 in fine du Code civil qui pose le principe de l’exécution des contrats de bonne foi. En effet, en laissant une caution garantir une dette principale disproportionné eu égard à ces revenus, la banque n’a pas exécuté de bonne foi l’engagement de caution.

En démontrant cette bonne foi, la caution peut donc solliciter la nullité de la délibération comme violant « une disposition impérative […] des lois qui régissent les contrats. »



2. La nullité de la délibération sur le fondement du droit des sociétés

C’est sur ce fondement que l’action en justice de la caution envers la banque peut s’avérer intéressant. En effet, sur le fondement du droit des sociétés, les délibérations contraire à l’intérêt social de la société peuvent dans certain cas être annulées par le juge.

Or, le fait pour le Conseil d’administration d’une société d’autoriser la souscription d’un engagement de caution pris au nom de ladite société est contraire à son intérêt social si la dette principale garantie est disproportionnée au résultat de la société-caution (Cour d’appel d’Amiens 6 avril 2006 : Banque Populaire, Rives de Paris c/ Herbault).

Dans cette hypothèse, la délibération d’un conseil d’administration avait autorisé la constitution d’un engagement de caution hypothécaire en garantie des engagements bancaires d’une société tierce.

Il s’est avéré dans cette affaire, que la souscription de cet engagement a eu pour effet de priver la société, sans aucune contrepartie, de ressources éventuelles tout en grevant lourdement son patrimoine immobilier. Dans ces conditions, le juge a annulé la délibération du Conseil d’administration ce qui a eu pour effet d’annuler l’engagement de caution de la société. Cette décision est très importante puisque, par cette jurisprudence, le juge comble une lacune législative qui n’avait pas prévu la possibilité de décharger une caution personne morale dans l’hypothèse où son engagement est disproportionné.

La nullité de l’engagement de caution obéit cependant à de strictes conditions.



3. La nullité de l’engagement de caution

Lorsque la société caution sollicite la nullité de la délibération du Conseil d’administration actant la souscription de l’engagement et corrélativement la nullité de la caution, il faut s’attendre à ce que le créancier oppose l’article L. 235-12 du Code de commerce qui dispose :

« Ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi. Cependant, la nullité résultant de l'incapacité ou d'un vice du consentement est opposable même aux tiers, par l'incapable et ses représentants légaux, ou par l'associé dont le consentement a été surpris par erreur, dol ou violence. »

C’est précisément ce qu’avait opposé la banque dans l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens précité. Est réputé avoir agi de mauvaise foi, la banque bénéficiaire de l’engagement de caution qui précise que :

Le prêt a été accordé dans le cadre de ses relations commerciales avec le groupe auquel appartiennent les deux sociétés, après étude globale de la situation économique et financière de ce dernier, ce dont il résulte qu’elle admet avoir eu une parfaite connaissance de cette situation (Cour d’appel d’Amiens 6 avril 2006 : Banque Populaire, Rives de Paris c/ Herbault).

En conditionnant la nullité du cautionnement à la preuve de la mauvaise foi du créancier, les juges du fond revienne à la jurisprudence « Nahoum » qui posait déjà cette condition. Ainsi la jurisprudence « Nahoum » – qui ne s’applique plus aux cautions personnes physiques qui entrent dans le champ d’application de l’article L. 341-4 du Code de la consommation – réapparaît dans le cadre des cautionnements souscrits par des personnes morales.

Une dernière précision en guise de conclusion, concernant la sanction en cas de cautionnement disproportionné souscrit par une personne morale : la Cour juge la caution nulle c'est-à-dire qu’elle est effacée rétroactivement (comme si l’engagement n’avais jamais existé) alors que s’agissant des cautions personnes physiques, la caution est déchargée du paiement d’un engagement de caution qui ne disparaît pas pour autant.



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