COUR DE CASSATION, Chambre sociale
Audience publique du 22 avril 1992
Cassation partielle
Attendu que, le 30 mars 1983, a été conclu entre la direction de la Société nouvelle d'assainissement et de travaux publics et le syndicat CFDT un accord collectif d'entreprise prévoyant en contrepartie de la suppression de diverses primes une majoration de 10 % des taux horaires du barème des salaires publiés par la Fédération des travaux publics Poitou-Charentes ; que cet accord stipulait qu'il était conclu pour une durée de 5 ans sauf dénonciation à faire par lettre recommandée chaque année avec un préavis de 6 mois ; que, le 6 mars 1984, dans le cadre d'une réunion du comité d'établissement à laquelle assistait, en sa qualité de membre du comité, Mr Caillaud, délégué syndical CFDT, est intervenu un accord salarial modifiant l'accord du 30 mars 1983 et prévoyant une réduction du taux à appliquer aux grilles de salaires ; que, le 2 avril 1984, l'employeur a dénoncé l'accord du 30 mars 1983 ;
Sur la cinquième branche du moyen unique
Attendu que MMr Caillaud et Guillon font grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la dénonciation intervenue le 2 avril 1984 aurait en toute hypothèse produit effet à compter du 2 avril 1985 en application des dispositions de l'article L. 132-8, alinéa 3, du Code du travail, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions dudit article L. 132-8, ainsi violé, qu'en l'absence de remplacement d'un accord dénoncé par un nouvel accord dans le délai de un an à compter du dépôt de la dénonciation, les salariés conservent les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de cet accord, de sorte que les salariés n'auraient pu, en tout cas, se voir opposer la prise d'effet de la dénonciation litigieuse ;
Mais attendu que si, en cas de dénonciation d'un accord collectif, les salariés ont droit au maintien du niveau de leur rémunération, ils ne peuvent prétendre à la réévaluation de celle-ci en fonction des règles de variations contenues dans l'accord dénoncé qui ne constituaient pas un avantage individuel qu'ils auraient acquis ;
D'où il suit que le moyen, en sa dernière branche, n'est pas fondé ;
Mais sur les quatre premières branches du moyen
Vu les articles L. 132-2 et 132-8, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu que, pour débouter MMr Caillaud et Guillon de leur demande en paiement d'un rappel de salaire fondé sur l'accord de mars 1983 pour la période antérieure au 2 avril 1985, la cour d'appel a énoncé que si, effectivement, l'accord salarial du 6 mars 1984 n'est pas intervenu dans le cadre des dispositions habituelles, il n'en demeure pas moins que, même s'il n'avait pas la force obligatoire d'une convention collective, il constituait un engagement des salariés représentés par les délégués du personnel, et le délégué syndical, qui conservaient leurs qualités même s'ils siégeaient dans le cadre du comité d'établissement, d'accepter, au regard de la situation délicate de l'entreprise, une réduction momentanée du taux à appliquer aux grilles de salaires ;
Attendu, cependant, que l'accord intervenu lors d'une réunion du comité d'établissement en présence de délégués syndicaux ne constituait pas un accord collectif au sens de l'article L. 132-2 du Code du travail, mais seulement un engagement de l'employeur et ne pouvait dès lors remettre en cause les avantages accordés au personnel par un précédent accord collectif d'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE,
mais seulement en ce que l'arrêt a débouté les salariés de leur demande pour la période antérieure au 2 avril 1985, l'arrêt rendu le 6 mai 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.