En tant qu’employeur, quels sont mes interlocuteurs en matière de négociation collective au sein de mon entreprise ?La négociation collective permet la conclusion d’accords collectifs. Nous nous limiterons ici à la question de savoir quelle est la personne habilitée à signer un accord collectif d’entreprise au nom des salariés de l’entreprise.
L’interlocuteur privilégié en matière de négociation collective est le délégué syndical (I). A défaut, la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social a prévu la possibilité de négocier et conclure des accords collectifs avec les représentants élus du personnel (II) ou des salariés mandatés (III). En dernier recours, l’employeur peut toujours conclure un accord dit « atypique » (IV).
- I - Le délégué syndicalL’article L 132-19 du Code du Travail prévoit que la convention ou, à défaut, les accords d’entreprise sont négociés entre l’employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise au sens de l’article L 132-2 du Code du Travail.
Aujourd’hui, les syndicats remplissant les critères légaux de représentativité sont ceux affiliés à l'une des cinq grandes confédérations représentatives à l'échelon national (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT et FO) et bénéficient de ce monopole syndical de négociation collective conformément à
l’article L 132-20 du Code du Travail.
Or, la représentation syndicale au sein de l’entreprise est assurée par le délégué syndical dont la désignation par une organisation syndicale représentative au plan national peut intervenir lorsque l’effectif de l’entreprise atteint au moins cinquante salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes (
article L 412-11 du Code du Travail).
Dans les entreprises qui emploient moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs peuvent désigner un délégué du personnel, pour la durée de son mandat, comme délégué syndical.
Le délégué syndical ainsi désigné se trouve alors dans la position d’unique interlocuteur de l’employeur pour négocier un accord collectif d’entreprise.
Toutefois, la désignation d’un délégué syndical n’est pas une obligation, en sorte que certaines entreprises n’en disposent pas.
- II - Les représentants élus du personnelLa loi du 4 mai 2004 a introduit la possibilité pour les représentants élus du personnel au comité d’entreprise ou, à défaut, pour les délégués du personnel de négocier et conclure des accords collectifs d’entreprise en l’absence de délégué syndical (
article L 132-26 du Code du Travail).
Toutefois, en plus de l’absence de délégué syndical, cette possibilité est soumise à deux conditions.
Tout d’abord, cette faculté de négociation et de conclusion des accords collectifs doit avoir été prévue par une convention ou un accord de branche étendu. A défaut tout accord est réputé non écrit.
Ensuite, les accords ainsi négociés n’acquièrent la qualité d’accords collectifs de travail qu’après leur approbation par une commission paritaire nationale de branche, dont les modalités de fonctionnement sont prévues par la convention ou l’accord de branche étendu. A défaut, bien que la question n’ait pas encore été tranchée par la Cour de cassation, il parait raisonnable de considérer que ces accords ont valeur d’accord dit « atypique ».
- III - Les salariés mandatésL’article L 132-26 du Code du Travail prévoit qu’en l’absence de délégué syndical et lorsqu’un procès-verbal de carence établit l’absence de représentants du personnel, les accords collectifs peuvent être conclus avec un ou plusieurs salariés mandatés pour une négociation déterminée, par une ou plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT et FO).
Néanmoins, comme précédemment, cette possibilité doit avoir été prévue par un accord de branche étendu.
- IV - La conclusion d’un accord dit « atypique »En dernier recours, c'est-à-dire en l’absence de délégué syndical et si aucun accord de branche ne prévoit la faculté de négocier et conclure un accord collectif avec les représentants élus du personnel ou un salarié mandaté, l’employeur conserve la possibilité de négocier et conclure un accord atypique.
Les accords atypiques sont des accords conclus entre l’employeur et les salariés ou leurs représentants élus sans que les conditions nécessaires à la qualification d’accord collectif au sens de l’article
L 132-2 du Code du Travail soient remplis.
Dès lors se posent les questions de leur valeur juridique et de leur régime.
Concernant la valeur juridique d’un accord atypique, la Cour de cassation considère qu’il s’agit d’un engagement unilatéral de l’employeur ayant force obligatoire à l’égard des salariés (
Cass. Soc. 23 octobre 1991).
S’agissant de son régime, l’accord atypique ne peut pas déroger aux dispositions légales (
Cass. Crim. 22 janvier 1991) et ne peut prévoir des dispositions moins favorables aux salariés que celles prévues dans une convention ou un accord collectif préexistant (
Cass. Soc. 22 avril 1992).
Enfin, l’employeur peut dénoncer unilatéralement l’accord atypique à condition d’informer les représentants du personnel, de prévenir individuellement les salariés et de respecter un délai de prévenance suffisant destiné à permettre d’éventuelles négociations.
En conclusion, l’interlocuteur de l’employeur en matière de négociation et de conclusion d’accord collectif doit être déterminé comme suit :
- le
délégué syndical ;
- à défaut de délégué syndical et si un accord de branche étendu le prévoit : les
représentants élus du comité d’entreprise ;
- à défaut de délégué syndical, de représentants élus du comité d’entreprise et si un accord de branche le prévoit : les
délégués du personnel ;
- à défaut de délégué syndical, de toute institutions représentatives du personnel et si un accord de branche le prévoit : le
salarié mandaté ;
- à défaut de délégué syndical et si aucun accord de branche étendu ne prévoit de dispositions relatives à la négociation collective, l’employeur n’aura pas d’autre solution que de conclure un
accord atypique.